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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Droit d’auteur et photographie : la cigarette de Jimi Hendrix n’était pas électronique !

Avocat droit d'auteurLa Loi du 3 juillet 1985 a ajouté les « œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie » à la liste non exhaustive des œuvres de l’esprit dressée par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Depuis lors, les photographies sont officiellement protégeables par le droit d’auteur. La jurisprudence soumet tout de même cette protection à la condition classique de l’originalité.

 

Ainsi, une photographie peut bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur seulement si elle est originale et empreinte de la personnalité de son auteur (TGI Paris, 14 mai 1987, Jonvelle). L’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 13 juin 2017 fait une exacte application de cette jurisprudence dans une affaire qui concernait le détournement d’une photographie du célèbre chanteur Jimi Hendrix.

En l’espèce, M.X, photographe britannique, a pris, en 1967, une photographie mettant en scène Jimi Hendrix en train de fumer. Cette dernière a été reprise et détournée par la société EGOTRADE de manière à en faire une publicité pour son entreprise de vente de cigarettes électroniques. Cette image a été placardée devant deux boutiques de la société et postée sur le site internet de cette dernière. En décembre 2013, considérant ces agissements comme des actes de contrefaçon, M.X et la société BROWSTIR LIMITED à laquelle ce dernier a cédé l’ensemble de ses droits patrimoniaux sur ses photographies, ont mis en demeure la société EGOTRADE de retirer sans délai les affiches publicitaires controversées. Faute de réaction de la part de cette dernière, ils ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par un jugement du 21 mai 2015, a rejeté leurs demandes. M.X et la société BROWSTIR LIMITED ont donc fait appel de cette décision.

En première instance, les juges du fond ont notamment considéré que, M.X ne justifiant aucunement de l’originalité de sa photographie, cette dernière ne pouvait être considérée comme une œuvre de l’esprit et, par conséquent, ne pouvait bénéficier de la protection octroyée par le droit d’auteur.

En appel, en revanche, M.X et la société BROWSTIR se sont efforcés de démontrer cette originalité. Ils ont notamment fait valoir que « c’est M. X. qui a organisé la séance au cours de laquelle la photographie dont s’agit a été prise, au mois de février 1967, qui a guidé et dirigé Jimi Hendrix lors de la prise de vue et qui lui a demandé de prendre la pose reproduite sur la photographie en cause ; qu’ils indiquent que M. X. a choisi de prendre la photographie en noir et blanc afin de donner plus de contenance à son sujet et donner de lui l’image d’un musicien sérieux et que le photographe a opté pour un appareil photo Hasselblad 500c avec un objectif Distagon 50 mm afin d’apporter un touche de grand angle au portrait sans créer de distorsion ; qu’ils exposent encore que M. X. a choisi le décor, l’éclairage, l’angle de vue et le cadrage ».

A cette liste déjà très complète d’arguments, les appelants ont rappelé que M.X est un photographe de renommée internationale et que ses photographies jouissent d’une forte notoriété. Ainsi, ils ont démontré « que la photographie en cause est le résultat de choix libres et créatifs opérés par le photographe traduisant l’expression de sa personnalité ».

La Cour d’appel en déduit que la photographie prise par M.X était suffisamment originale pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur. Il convenait, dès lors, de rechercher si le détournement de l’image par la société EGOTRADE constituait bien une contrefaçon.

Selon l’article L. 122-4 du CPI, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.».

En l’espèce, la société EGOTRADE a transformé, dans un but publicitaire, la photographie prise par M.X, en remplaçant la cigarette « traditionnelle » que fumait Jimi Hendrix par une cigarette électronique. Cette utilisation détournée de la photographie s’est faite sans le consentement de son auteur, M.X, et de la société titulaire des droits patrimoniaux. La Cour d’appel en a donc déduit que la contrefaçon était constituée.

En conséquence, la Cour a condamné la société EGOTRADE à verser 50 000 € de dommages et intérêts à la société BROWSTIR LIMITED en réparation de son préjudice patrimonial, et 25 000 € à M.X en réparation de son préjudice moral. La cour lui a également interdit l’utilisation, sous quelque forme que ce soit, de la photographie litigieuse.

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