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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Oeuvre de collaboration : la cour de cassation rappelle l’importance de l’apport artistique personnel de chacun des coauteurs dans la qualification d’une œuvre

Avocat droit d'auteurL’article L.113-2 du Code de propriété intellectuelle définit les œuvres collaboratives comme celles « à la création desquelles ont concouru plusieurs personnes ». L’article L.113-3 du Code de propriété intellectuelle précise par ailleurs que de telles œuvres sont « la propriété commune des coauteurs ». Chacun d’entre eux dispose des prérogatives d’un auteur sur l’œuvre commune et toute exploitation de cette dernière doit faire l’objet d’une autorisation de l’ensemble des coauteurs.

C’est de cette notion particulière d’œuvre de collaboration que traite cet arrêt de la cour de cassation rendu le 17 mai 2017.

En l’espèce, par une convention du 6 juin 1962, le peintre Georges Braque a autorisé un sculpteur, Heger de Lawrenfled, à reproduire certaines de ses œuvres en trois dimensions. Ainsi, une sculpture de bronze dorée intitulée « Hermes 1963 » a été réalisée par le sculpteur d’après une gouache de Georges Braque.

Par la suite, entre 2001 et 2003, une refonte posthume de la sculpture a été réalisée en huit exemplaires. L’un d’eux, le numéro 5/8, a été vendu aux enchères publiques par son ancien propriétaire, la société Edition catalogue raisonné, à M.Y et M.Z qui l’ont acquis en indivision par un accord conclu le 20 juillet 2006.

En 2008, M.Y a intenté une action en liquidation et partage de cette indivision devant le Tribunal de grande instance de Paris. L’année suivante, il a appelé en intervention forcée la société Million qui avait organisé les enchères publiques et a sollicité une expertise judiciaire pour vérifier l’authenticité de la sculpture en bronze. Le tribunal a fait droit à cette demande par un jugement du 20 janvier 2010 et les experts ont déposé leur rapport le 12 juillet 2011. Ce dernier attribuant la paternité de l’œuvre à Lowenfled, M.Y a sollicité l’annulation de la vente pour dol et erreur.

En effet, M.Y considérait que son consentement à l’acte de vente avait été vicié pour deux raisons principales. Tout d’abord, il affirmait qu’il désirait acquérir une œuvre de Georges Braque. Or, la sculpture qui lui avait été vendue comme une œuvre de collaboration entre le peintre et Lowenfeld ne serait en réalité qu’une simple œuvre dérivée réalisée par ce dernier à partir d’une gouache de Braque et dont la paternité ne serait, par conséquent, attribuable qu’au sculpteur. Par ailleurs, M.Y affirmait qu’il voulait acquérir une œuvre originale et non une reproduction. Or, les huit exemplaires issus de la refonte posthume ne disposaient pas de l’autorisation nécessaire pour pouvoir être considéré comme des originaux et ne seraient, par conséquent, que de simples copies, ce qui lui aurait été caché lors de la vente.

Par un jugement du 17 janvier 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté M.Y de sa demande. Ce dernier a donc fait appel de la décision.

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 26 janvier 2016, a infirmé le jugement de 2014 et annulé la vente. M.Z, la société Editions Catalogues Raisonnés et la société Million ont alors formé un pourvoi en cassation. Ils faisaient valoir que la sculpture est une œuvre de collaboration entre G.Braque et Lowenfeld et que l’exemplaire acquis par M.Y est un original.

La cour de cassation a rejeté le premier argument du pourvoi. Elle a fait application d’une jurisprudence bien établie en la matière qui impose qu’une « communauté d’inspiration » unisse ceux qui veulent prétendre à la qualité de coauteur (Cass. Civ 1, 18 octobre 1994). Il faut « un apport créatif » de la part de chacun d’eux. Or, la Cour constate que le pourvoi n’établissait en rien l’apport de Lowenfeld et qu’il fallait donc considérer la sculpture « Hermes 1963 » non comme une œuvre de collaboration mais comme une œuvre originale de G.Braque réalisé avec son accord et sous sa direction.

Cependant, la Cour de cassation va finalement casser l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en se fondant sur le deuxième argument du pourvoi. La Cour de cassation considère en effet que la Cour d’appel de Paris a violé le principe du contradictoire et l’article 16 du Code de procédure civile en retenant d’office l’argument de M.Y, selon lequel la sculpture Hermès 1963 n°5/8 est une simple reproduction, sans avoir au préalable examiné les prétentions des parties adverses sur ce point.

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